
Les poursuites judiciaires liées au changement climatique sont devenues un nouveau moyen pour les pays de faire valoir leurs droits contre les actions qui dégradent l’environnement. Mais les pays africains n’ont pas encore pleinement exploité cette voie.
Aux Pays-Bas, la justice a estimé que les émissions de gaz à effet de serre violaient les droits à la vie et à la vie privée et familiale protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.
En Allemagne, un tribunal a estimé que le gouvernement avait violé la loi sur la protection du climat en omettant de définir le plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre après 2030. Cela implique que les générations futures devront supporter de manière injuste le fardeau de la lutte contre le changement climatique.
L’Afrique est le continent le plus vulnérable aux effets du changement climatique. Dans le même temps, c’est le continent qui a le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre dans le monde.
Cependant, les pays africains n’ont pas intenté beaucoup de procès devant les tribunaux climatiques, principalement parce qu’ils manquent de ressources. Ils sont également entravés par la faiblesse des lois sur le climat, leur expertise limitée pour recueillir et présenter des preuves devant les tribunaux, et leur dépendance économique vis-à-vis des industries extractives qu’ils n’ont peut-être pas intérêt à poursuivre en justice.
L’un des rares procès africains sur le climat a été intenté par le groupe sud-africain de justice environnementale EarthLife Africa Johannesburg. Il a fallu que le ministère de l’Environnement soit poursuivi en justice pour que l’autorisation gouvernementale de construire de nouvelles centrales à charbon soit annulée. La Haute cour de Pretoria a en effet jugé que cette autorisation était illégale car elle n’avait pas tenu compte de l’impact de ces futures centrales à charbon sur l’aggravation du changement climatique.
Autre affaire a été portée devant les tribunaux. En 2020, des groupes de la société civile ont poursuivi pour violation des droits humains et dommages causés à l’environnement les gouvernements ougandais et tanzanien dans le cadre du projet de pipeline de pétrole brut en Afrique de l’Est. La Cour de justice de l’Afrique de l’Est a rejeté l’affaire après que les militants aient manqué la date limite pour déposer leurs documents. Les groupes ont fait appel d’une décision qui met en évidence certaines des difficultés liées aux litiges internationaux en matière de climat.
En mai 2025, l’Union panafricaine des avocats a demandé à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples un avis consultatif (à paraître) sur les obligations des États africains en matière de protection des droits humains en période de crise climatique. Cette affaire a été portée devant la Cour en collaboration avec la Plateforme africaine sur le climat, le Collectif des avocats pour l’environnement en Afrique, Natural Justice, resilient40 et d’autres organisations de justice environnementale.
Je suis chercheur en justice environnementale et j’étudie comment l’écocentrisme (qui valorise l’ensemble des intérêts des écosystèmes par rapport aux intérêts humains ou aux intérêts individuels des entreprises) peut être mis en œuvre dans les systèmes juridiques africains.
Je soutiens que l’Afrique devrait utiliser trois voies juridiques internationales clés pour amplifier sa voix dans les litiges liés au changement climatique.
1. La Cour internationale de justice
En décembre 2024, la Cour internationale de justice a accepté pour la première fois de rendre un avis consultatif sur les obligations des États en matière de lutte contre le changement climatique et a défini les conséquences juridiques pour les États qui ne respectent pas ces obligations.
Fin 2024, la Cour a accepté les contributions des pays déjà touchés par le changement climatique. Parmi ceux-ci figuraient des membres de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et de [l’Union africaine](https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/187/187-20230718-pre-01-00-en.pdf “), ainsi que l’Afrique du Sud, la Sierra Leone, le Ghana, le Kenya, le Malawi, la Namibie et le Sénégal. La Cour rendra son avis à la fin de l’année 2025.
Même si les avis consultatifs de la Cour internationale de justice ne sont pas juridiquement contraignants, cette procédure a constitué une étape importante. Elle a fourni aux pays africains une bonne plateforme pour faire valoir leurs revendications concernant les obligations des pays en matière de protection du système climatique en cette période de réchauffement climatique.
2. Tribunal international du droit de la mer
En juin 2023, l’Union africaine a soumis une déclaration écrite en soutien à la demande formulée par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international. Les États insulaires avaient demandé au tribunal de préciser comment les gouvernements étaient tenus, en vertu du traité international sur le droit de la mer, de prévenir, réduire et contrôler la pollution marine causée par les émissions de gaz à effet de serre.
C’était la première fois que le tribunal examinait officiellement les effets du changement climatique sur le milieu marin. Dans sa déclaration, l’Union africaine s’est appuyée sur d’importants principes juridiques internationaux en matière d’environnement. Il s’agit notamment de l’obligation d’éviter de polluer l’atmosphère et de prévenir les dommages transfrontaliers.
Ces principes ont déjà été utilisés par différents pays dans des procès dans le passé. Ces affaires constituent aujourd’hui la base juridique de nombreux procès liés au climat.
Les avis consultatifs du tribunal ne sont pas juridiquement contraignants, mais ils contribuent également au développement du droit international et pourraient, là encore, être utiles à l’Afrique pour faire entendre une voix forte et unifiée dans la lutte mondiale pour la justice climatique.
3. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques
Cette convention de 1992 a été ratifiée par de nombreux États africains. Il s’agit d’un cadre juridique international central qui guide l’action mondiale en matière de changement climatique. Elle a servi de base à de nombreux accords internationaux sur la manière dont les gouvernements préviendront le changement climatique.
Les pays africains devront intégrer les accords internationaux sur le changement climatique dans leurs lois et leurs politiques. Tous les pays africains ne disposent pas de lois sur le changement climatique. Parmi les pays qui ont adopté des lois sur le changement climatique figurent le Nigeria, l’Ouganda et l’Afrique du Sud. D’autres doivent suivre.
L’Afrique ne dispose pas des ressources nécessaires pour prévenir les effets les plus graves du changement climatique et faire face aux dommages causés par le réchauffement climatique.
Les pays africains doivent désormais engager des poursuites judiciaires pour exiger des comptes, élaborer des politiques climatiques et préserver l’avenir.
En faisant appel à des mécanismes régionaux tels que la Cour africaine, en recourant à des instruments juridiques internationaux et en élaborant des lois nationales sur le climat, l’Afrique peut faire entendre une voix forte et unifiée dans la lutte mondiale pour la justice climatique.
Oluwabusayo Wuraola is a Lecturer at Anglia Ruskin University and also a knowledge expert member of the United Nations Harmony with Nature Programme.
By Oluwabusayo Wuraola, Lecturer in Law, Anglia Ruskin University